Les Boissier : une riche famille genevoise

, par CD

Aux origines de la famille : Le Languedoc

Des confusions ont pu s’établir sur l’origine des Boissier, les ancêtres d’Edmond. Galiffe, le célèbre généalogiste, les a fait descendre d’un Antoine Boissier, de Poncin, un Conseiller du Duc de Savoie, reçu Bourgeois de Genève en 1438. Des recherches récentes ont montré qu’il s’agit de lignées différentes et que les ancêtres d’Edmond Boissier venaient du Languedoc, plus exactement de Sauve dans le Gard, où l’on peut remonter jusqu’à un Jacques Boissier, né vers 1515, issu d’une famille Boysse.

Le fils de ce Jacques Boissier, Jean, s’installa à une vingtaine de kilomètres plus au nord, à Anduze, une cité appuyée sur les Cévennes, un fief protestant où il se lança dans le commerce.

Une fortune grâce au commerce de la soie et de la serge, puis grâce à l’activité bancaire

Jean Boissier, puis son fils Gaspard né à Anduze, firent fortune en vendant des tissus, de la soie et de la serge de Nîmes. Gaspard, associé à une autre grande famille commerçante d’Anduze, les André, décida de transporter son négoce à Gênes afin de fuir les persécutions religieuses. Comme souvent à cette époque, les grands négociants étaient en même temps banquiers.

Gaspard et ses deux fils, Jean et Guillaume - celui-ci avait épousé à Anduze une demoiselle Naville -, s’installèrent à Genève en 1689 tout en gardant leur établissement de Gênes. Les deux fils furent reçus bourgeois de Genève dans les années 90. Les différents établissements bancaires gérés par les Boissier de père en fils - jusqu’à Guillaume fils - étaient situés à Gênes et à Genève et agissaient aussi beaucoup à Cadix : ils faisaient des affaires de blé et de tabac européen, d’or et d’argent, investissaient en Angleterre, mais ils finançaient aussi du commerce colonial, grosso modo entre 1650 et 1750. Quand on épluche les comptes des banques Boissier, « on y trouve régulièrement des fonds à Cadix, en Amérique et sur des galions d’Espagne. » [1]Les ancêtres d’Edmond Boissier ont donc soutenu l’entreprise coloniale et la traite des esclaves africains, comme tous les banquiers protestants de France et de Genève.

Une grande famille genevoise dès le 18e siècle, alliée aux familles patriciennes les plus influentes

Guillaume Boissier et Isabeau Naville eurent 8 enfants, si bien que la famille se ramifia en de nombreuses branches. Tout en continuant leurs négoces, les Boissier investirent dans la pierre et construisirent par exemple la Petite-Boissière à Grange-Canal et, en collaboration avec les Sellon, ils ouvrirent en 1720 ce qu’on appela « le chantier du siècle » : la construction des trois hôtels particuliers des n° 2, 4 et 6 de la rue des Granges.

Les parents et grands-parents d’Edmond se rangent des affaires et vivent de leurs rentes

Mais le grand-père d’Edmond, Jean-François, s’éloigna progressivement du monde des affaires et utilisa ses rentes pour acheter le manoir de Valeyres-sous-Rance, juste au nord d’Orbe, au pied du Jura. Là, Jean-François Boissier était en terres bernoises, un peu plus à l’abri des Français qui occupaient Genève !

Il transmit le manoir en 1811 à son fils Auguste-Jacques - le père d’Edmond. Avec Auguste Jacques, sa femme et ses deux enfants, le domaine du Manoir perdit sa vocation agricole pour se transformer en centre culturel : Auguste était un violoniste amateur passionné et il soutenait les activités de pianiste et de compositrice de sa femme, Caroline née Butini. La fortune des Boissier était suffisante pour leur permettre d’opérer cette reconversion dans les activités artistiques et philanthropiques, puis scientifiques pour Edmond, qui naquit à Genève le 25 mai 1810.

Une double alliance avec la famille Butini : une assise financière encore renforcée pour Edmond Boissier

La branche d’Edmond Boissier a connu une double alliance avec les Butini : la mère d’Edmond était une Butini, fille du Docteur Pierre Butini. Puis Edmond a épousé en 1840 une cousine germaine, Lucile Butini, alors âgée de 18 ans. Notons que Lucile est décédée prématurément à l’âge de 27 ans atteinte d’une fièvre typhoïde alors qu’elle entreprenait en Andalousie un voyage botanique avec son mari le 8 juillet 1849, laissant 2 enfants, Agénor âgé alors de 8 ans et Caroline, 2 ans, dont Edmond se chargea de l’éducation.

La fortune d’Edmond, qui lui a permis de s’adonner à la botanique, doit donc aussi beaucoup à cette riche famille genevoise : à fin 1838, le Docteur Pierre Butini décéda et Edmond hérita d’une partie de sa grande fortune. Il put désormais « être son propre éditeur, financer ses expéditions scientifiques et engager des collaborateurs pour soigner son herbier et, plus tard, ses jardins et serres. » [2]

Notes

[1LÜTHY, Herbert. 1959. La Banque protestante en France. Réimpression de 1970 : Paris : Editions EHESS. Vol. 2. pp 95-98.

[2GRENON. Michel. 2011. op. cit.