Edmond Boissier et les fleurs : une passion

, par CD

Une passion précoce

« Edmond Boissier est né botaniste », a écrit son biographe Hermann Christ en 1888 [1]. C’est à peine exagéré si l’on en croit la maman d’Edmond qui voyait déjà en son fils un prodige de la botanique alors qu’il n’avait que 3 ans :

« Il ne voit point une fleur sans demander son nom, je le lui dis quand je le sais ; je lui en nomme quelquefois une dizaine, et le lendemain, je suis tout étonnée qu’il s’en souvienne. Son grand-père serait charmé, s’il voyait le petit bonhomme cueillir une plante, l’examiner gravement et prononcer un nom latin . » [2]

Edmond Boissier à l’âge de 12 ans.

De façon moins romancée, on peut affirmer que la passion d’Edmond Boissier pour la botanique a été encouragée par son grand-père maternel, le Docteur Pierre Butini, qui l’emmenait régulièrement en promenade dans les montagnes entourant Genève. Edmond Boissier « ne connaissait pas de passe-temps plus agréable que d’herboriser. Comme écolier, pendant le séjour annuel de ses parents à Valleyres, il aimait à faire de longues courses pour chercher des espèces rares qu’il cultivait ensuite à l’abri d’un repli de terrain dans la propriété paternelle. » [3]

De l’enfant passionné au scientifique

Les parents d’Edmond ont décidé de donner à leurs deux enfants une éducation privée dispensée par un pasteur sévère qui leur inculqua piété, goût du travail et passion du devoir. Avec ce professeur, les deux élèves devaient parler en latin !

Edmond Boissier se lança ensuite dans des études de sciences à l’Académie de Genève. Toujours passionné par les fleurs, il fut enthousiasmé par l’enseignement de la botanique donné par Auguste Pyrame de Candolle.

A.-P. De Candolle, le maître d’Edmond Boissier.

Edmond poursuivit sa formation à Paris lorsque la famille décida d’y passer l’hiver 1831-32 et se lança dans la recherche botanique. C’est là qu’il fit une rencontre décisive avec un botaniste britannique dénommé Webb qui lui offrit un herbier considérable comprenant un matériel encore inconnu, car non publié, et renfermant un grand nombre de plantes en provenance du royaume de Grenade que Webb avait exploré pendant 6 ans. Ce fut l’origine de la passion d’Edmond Boissier pour les plantes d’Andalousie.

Pour un jeune aristocrate de Genève comme Edmond Boissier, toute l’époque était en fait favorable à un engagement dans une formation et une carrière scientifique : dans les familles riches, il y avait un effet de mode pour la science. On se passionnait pour la recherche à laquelle on pouvait s’adonner sans avoir le souci d’une rémunération…Candolle avait du reste noté :

« Parmi les élèves genevois, je dois encore mentionner Edm. Boissier qui a suivi mes cours et qui est venu souvent travailler dans mon herbier. C’est un excellent jeune homme dont j’aime le caractère. (…) Possesseur d’une belle fortune, il pourra servir la botanique par les collections et les voyages dont il a le goût. » [4]

Notes

[1CHRIST, H.. 1887. Hommage rendu à la mémoire de PE Boissier, Bull. Soc. Vaud. Sc. Nat. Série 3, XXII : 170-171. https://www.e-periodica.ch/digbib/view?pid=bsv-002%3A1886%3A22%3A%3A188#179

[2Lettre de Caroline Boissier-Butini à sa mère.

[3HOCHREUTINER, B. P. G. 1937. « Edmond Boissier, systématicien » in « Edmond Boissier, botaniste genevois, 1810-1885. Notice publiée à l’occasion du centenaire de son voyage en Espagne en 1837“ Genève : Bulletin de la Société Botanique de Genève, 2e série, volume XXVIII, pp 13-23 Ici : p. 13.

[4In : « Mémoires et souvenirs » de A.-P. de Candolle (1778-1841), édité par Candaux & Drouin, 2004, p. 383.